6 décembre 2013
795 mots – Temps de lecture : 4 à 5 minutes
Mots clés
Durabilité, Eco-efficience
Titre original : “Earth, Inc.: Using Nature’s Rules to Build Sustainable Profits” . Pas de traduction française.
“La durabilité? Mettons la au cœur de l’entreprise et oublions-la!”
C’est un des messages essentiels de ce livre, écrit par Gregory Unruh, un spécialiste d’écologie industrielle, co-fondateur avec Bill McDonough[1] du Center for Eco-Intelligent Management à la IE Business School en Espagne.
Pour Unruh, la nature fonctionne spontanément de façon durable en suivant certaines règles et c’est en suivant ces règles et en les mettant au cœur du fonctionnement de l’entreprise que la vraie durabilité peut être atteinte. Il est alors même possible de l’oublier, au sens où cela cesse d’être un effort.
Il existe maintenant beaucoup de livres qui présentent les avantages économiques d’une démarche vers la durabilité, mais finalement peu d’ouvrages pratiques qui facilitent la transition. L’objectif de ce livre est précisément d’aider les décideurs à ajuster leurs opérations, leurs process et leurs produits afin de résoudre les problèmes environnementaux tout en créant de la valeur pour l’entreprise.
L’approche de Unruh se démarque nettement du courant de l’éco-efficience (eco-efficiency), qui vise à “faire plus avec moins” et porte une attention particulière à réduire les gaspillages.[2]
Pour Unruh, l’éco-efficience peut se comparer à réduire sa consommation de cigarettes de deux paquets à un paquet par jour, elle ne fait que ralentir l’extraction des ressources et la production de déchets mais elle ne les élimine pas.
Les “règles de la biosphère” qu’il a identifiées sont des principes qui régissent le fonctionnement harmonieux de la nature. Afin d’éviter de créer des résistances, il propose de les mettre en oeuvre séquentiellement dans les entreprises, chaque principe entraînant ses propres bénéfices, ce qui encourage à poursuivre le chemin.
1-Une parcimonie dans les matériaux utilisés
(Minimiser les types de matériaux utilisés dans les produits et avoir recours à des matériaux recyclables).
Cette règle est particulièrement importante car elle représente une fondation pour les autres règles, notamment la troisième (un recyclage économiquement viable). A l’heure actuelle, la nécessité de trier un amas chaotique de matériaux de toutes sortes représente un des principaux obstacles au recyclage.
2- L’autonomie énergétique
(Maximiser l’autonomie énergétique des produits et des process de sorte qu’ils puissent fonctionner avec de l’énergie renouvelable).
En ce qui concerne les process industriels, la voie la plus prometteuse consiste à combiner une plus grande efficacité dans l’utilisation de l’énergie et l’augmentation de la proportion d’énergie renouvelable dans l’approvisionnement.
3-La mise en place de cycles de valeur (value cycles)
(Récupérer et “réincarner” dans de nouveaux produits des matériaux provenant de produits en fin d’utilisation. Dans le cycle de la nature, un petit nombre de matériaux primaires sont constamment recyclés et ne perdent jamais leur valeur).
En fonction de leur ligne de produits, les entreprises peuvent avoir recours à :
– un cycle en boucle simple (“shallow-loop value cycling”), qui consiste à maintenir la qualité et l’usage de produits existants et à rendre accessible ces produits à d’autres utilisateurs. Unruh donne l’exemple des appareils photos jetables de Kodak qui étaient recyclés jusqu’à 10 fois.
– Un cycle en “boucle profonde” (“deep-loop value cycling”), dans lequel les produits sont décomposés dans leurs matériaux constitutifs, qui sont alors réutilisés.
Cette partie du livre est particulièrement intéressante car l’auteur fournit de nombreux détails sur les façons de rendre ces cycles efficaces (par exemple, comment garantir des quantités suffisantes de matériaux récupérés, ainsi que leur qualité).
4-La conception de plateformes durables
Pour l’auteur, s’arrêter après les trois premières étapes serait une erreur, car des bénéfices plus importants encore attendent les entreprises qui multiplient l’impact des efforts engagés dans les trois premières étapes en créant des plate-formes pour lancer de nouveaux produits et attaquer de nouveaux marchés. Par exemple, Shaw, un fabriquant de carrés de moquette, a combiné une parcimonie accrue de ses matériaux avec des process efficaces en énergie pour appliquer sa technologie Ecoworx au marché résidentiel, un nouveau marché pour l’entreprise.
5- La priorité donnée à la fonction sur la forme
(En vendant un produit avec l’intention d’en récupérer les matériaux pour un nouveau cycle de production, c’est la fonction que ce produit remplit pour le client qui devient plus importante, davantage que le fait que le client possède le produit. Ce que les clients veulent, par exemple, est un sol confortable, pas posséder une moquette).
Les entreprises sont invitées à se tourner vers la commercialisation d’un service, assuré par un produit qu’elles récupèrent après usage, plutôt que d’essayer de vendre le plus possible de produits qui finissent ensuite en décharge.
Une des grandes forces de ce livre est de donner de nombreux exemples, ce qui en fait un livre de référence, pas seulement une source d’inspiration.
[1] L’un des co-auteurs de Cradle to Cradle – voir la revue de ce livre.
[2] Une approche promue, par exemple, par le World Business Council for Sustainable Development – voir le résumé de son rapport “Vision 2050” .