11 février 2015
Titre original : The Breakthrough Challenge, 10 Ways to Connect Today’s Profits with Tomorrow’s Bottom Line
767 mots – Temps de lecture : 3 minutes
Mots clés : B Team, Compte de résultats environnemental
Review
Quand Jochen Zeitz est devenu PDG de Puma, il était le plus jeune patron d’une société cotée en Allemagne. Après avoir dirigé cette société pendant 15 ans, il est maintenant membre du conseil d’administration de Kering (anciennement PPR, propriétaire de Puma).
John Elkington est un consultant et auteur influent dans le monde anglo-saxon, qui a été un des pionniers de l’approche de la “Triple Bottom Line” il y 20 ans (un appel à mettre l’impact social et environnemental d’une entreprise au même rang de priorité que ses résultats financiers). Il est le cofondateur de SustainAbiity, un cabinet de conseil en pointe sur le sujet de la prise en compte de l’impact environnemental des entreprises (vous trouverez sur ce site un résumé d’un de ses livres : The Power of Unreasonable People).
Ce livre est écrit au nom de la “B Team,” un groupe de décideurs de haut niveau provenant essentiellement du monde de l’entreprise, qui se donne pour mission d’être le catalyste d’une “meilleure façon de faire des affaires, créant de la valeur tout en prenant soin du bien-être collectif et de la planète”. Il s’agit d’une initiative sans but lucratif visant à convaincre un grand nombre de décideurs à s’engager dans cette voie, qui suppose de “redéfinir ce qu’est le succès pour y inclure le bien-être, la sagesse, et l’intention de se mettre au service”.
Le fait que ce livre représente les voix d’une variété de personnes aux parcours et aux secteurs d’activité différents explique que le style est moins convaincant que celui des autres livres de John Elkington, mais il mérite largement une lecture attentive en raison des idées qu’il contient. Certaines des propositions présentées ont en effet une capacité à entraîner de profondes transformations. En voici quelques-unes, tirées des 10 chapitres.
VERS UN “COMPTE DE RESULTAT ENVIRONNEMENTAL” (“ENVIRONMENTAL P&L” ou “EP&L”)
“Mettre en place une comptabilité authentique” (Chapitre 3) est probablement une des plus audacieuses. Elle a comme base le travail effectué chez Puma pour inventer des outils et méthodes mesurant l’impact réel d’une entreprise sur l’environnement. Puma a été ainsi la première société à publier un compte de résultat environnemental intégrant le coût pour la nature des émissions de gaz à effet de serre, de l’utilisation d’eau et de terres, de la pollution de l’air et de la production de déchets.
Les premiers résultats publiés en 2010 avec l’aide du cabinet PwC ont montré que le total de ces coûts auraient absorbé 50% du profit de Puma cette année-là s’ils avaient été facturés à l’entreprise (A noter que 90% de ces coûts étaient localisés dans la chaîne d’approvisionnement, et près de la moitié liés à la production de matières premières). Kering a ensuite annoncé en 2011 que chacune des marques du groupe publierait un EP&L d’ici 2016. Les auteurs souhaitent la diffusion large de cette pratique, qui place la comptabilité dans un rôle beaucoup plus stratégique en la tournant davantage vers l’avenir.
CREER DE NOUVEAUX SCHEMAS JURIDIQUES QUI PERMETTENT D’ECHAPPER A LA TYRANNIE DU COURT TERME
La B team ouvre dans le 2ème chapitre des pistes pour l’invention de nouveaux schémas juridiques (statuts des entreprises notamment) qui soient plus orientés vers le long terme et vers une répartition plus équitable de la valeur créée. Ils soutiennent notamment la diffusion des “B Corporations” (voir autre résumé de livre à venir en février) et proposent de récompenser les investisseurs qui conservent leurs actions sur une durée longue par des dividendes accrus ou des actions gratuites (loyalty-driven securities ou L-shares). Ils sont toutefois conscients des résistances que rencontre encore cette dernière proposition.
REDEFINIR L’EDUCATION
L’appel à “redéfinir l’éducation” (Chapitre 8) commence par une observation : nos systèmes d’éducation ont finalement “endoctriné” leurs élèves avec une approche trop conventionnelle des affaires. Pour les auteurs, les business schools doivent maintenant enseigner avec force que la finalité de l’entreprise est d’être une force au service des enjeux sociaux et environnementaux, et non seulement une source de gains financiers. Le cursus de la plupart des business schools est en train d’évoluer, bien sûr, mais certainement pas assez vite, et une refonte complète des critères utilisés pour les classements internationaux est nécessaire.
Certains lecteurs pourront penser que les réalisations concrètes des propositions énoncées ne sont pas assez nombreuses, mais la plupart de ces propositions sont si novatrices qu’elles sont encore en cours d’expérimentation (et le livre donne un panorama complet de ces avancées). C’est donc à mon avis un livre important à la fois pour les décideurs en poste et pour les futurs décideurs en cours de formation.