Prospérité sans croissance : la transition vers une économie durable, de Tim Jackson
06 juin 2013
Titre original
617 mots – Temps de lecture : 3 minutes
Mots clés
« Découplage »
Review
Titre original : « Prosperity without growth. Economics for a finite planet. »
Ce livre reprend en grande partie le contenu d’un rapport écrit pour la Commission pour le Développement Durable britannique (Sustainable Development Commission ou SDC).
Jackson, professeur d’économie à l’Université de Surrey (GB), reconnaît que l’idée même de “prospérité sans croissance” est une absurdité pour la plupart des économistes, comme des responsables politiques.
En même temps, l’idée d’une économie qui poursuit sa croissance indéfiniment est tout aussi absurde si l’on prend en compte le fait que nous vivons sur une planète qui a des ressources limitées.
Il s’agit là pour l’auteur du plus important dilemme de notre temps, auquel ce livre se veut un début de réponse.
Le “découplage” est depuis un certain temps un mot prometteur en vue d’une sortie de ce dilemme.
Le découplage relatif signifie que l’impact environnemental de l’activité économique (émissions de CO2, extraction de métaux, etc.) progresse moins rapidement que le PNB. Ce découplage ne se produit pas à l’heure actuelle pour un certain nombre de données (par exemple l’extraction de métaux précieux augmente plus vite que le PNB mondial). De plus, même quand il se produit, il n’est pas suffisant : c’est un découplage absolu qui serait nécessaire, c’est-à-dire un déclin en termes absolus de l’impact environnemental. Les émissions de dioxyde de carbone en sont une bonne illustration : elles ont augmenté moins vite que le PNB mondial au cours des 20 dernières années (découplage relatif) mais elles sont tout de même 40% plus élevées qu’en 1990 (pas de découplage absolu).
Pour Jackson, il est temps d’arrêter de porter nos espoirs dans un tel “découplage” et de faire de la croissance l’objectif principal des politiques publiques comme c’est le cas depuis des décennies. Il s’agit même de revoir en profondeur la structure de nos économies modernes, entièrement dépendantes du rythme de consommation et de croissance.
Il en appelle à un immense chantier pour viser désormais une prospérité dont la croissance du PNB ne serait pas une condition nécessaire. La prospérité pour Jackson n’est pas synonyme de revenu ou de richesse, elle va au-delà de la satisfaction des besoins matériels et réside davantage dans la qualité de vie, la santé, le bonheur des individus et des familles, la force de nos relations aux autres ainsi que le degré de confiance dans la société. En quelques mots, c’est la capacité de “s’épanouir (flourish) en tant qu’êtres humains”.
Toutes ces notions sont complètement absentes des modèles macro-économiques actuels, qui sont par ailleurs des “illettrés écologiques” (ecologically illiterate) : les principales variables écologiques, comme le capital que nous prélevons sur les écosystèmes pour faire fonctionner l’économie sont elles aussi ignorées.
Il faut désormais pour l’auteur inventer un nouveau modèle macro-économique qui prenne en compte toutes ces dimensions. C’est bien sûr un chantier considérable auquel ce livre se veut une première contribution.
En dehors de cet appel à refondre notre référentiel économique, d’autres recommandations sont proposées :
- “poser les limites”, c’est-à-dire devenir beaucoup plus attentifs aux limites écologiques de l’activité économique (cette surveillance menant à la mise en place de plus de plafonds quant à l’usage des ressources naturelles et aux émissions de produits toxiques)
- changer la logique sociale qui fait de la consommation le principal mode de participation à la société. L’auteur admet que c’est une tâche plus considérable encore, mais propose de faire un premier pas significatif en commençant à mesurer de façon rigoureuse certaines dimensions de la société, comme le niveau de confiance, les modes de participation à la vie sociale, et la résilience des communautés locales.
Ce livre ne propose pas véritablement de solutions concrètes applicables immédiatement, mais la puissance des idées qu’il contient invite les lecteurs à engager une réflexion profonde sur le rôle de l’économie et potentiellement sur leurs priorités d’action.